Victor Hugo écrivait : « Se promener de grand matin, pour qui aime la solitude, équivaut à se promener la nuit, avec la gaité de la nature de plus. Les rues sont désertes, et les oiseaux chantent. »

Il y a encore si peu d’années, la solitude était pour bon nombre d’entre nous, cette oasis que nous recherchions, une aire souhaitée dans le flot de nos activités, dans le rythme effréné de nos vies… Puis est arrivée la COVID-19.
Le 23 janvier 2022, une enquête IFOP réalisée en 2021, pour l’association Astrée, sur la population hexagonale, révélait des chiffres saisissants, qui m’ont profondément touchée et auxquels je souhaite donner écho.
19% des français(e)s, soit 1 sur 5 (10 millions de français(e) hexagonaux) sont touché(e)s par la solitude, contre 13% en 2018 et 18% en 2020, au plus fort de la crise COVID-19. Les 3/4 d’entre eux confient qu’ils n’osent pas en parler. Toujours selon cette enquête, « la solitude concerne davantage les jeunes, les célibataires et les français(e)s appartenant aux catégories modestes ». On y dénombre notamment les demandeurs d’emploi (30%), les catégories pauvres (32%) et les 18/24 ans (28%)
🦩 La solitude n’est donc plus forcément que ce « moment de paix unique de tranquillité qu’aucune vitamine ne peut nous procurer » Nacira Boukli-Hacene
Nous y apprenons également que la plongée brutale de la population dans la digitalisation et la généralisation de la distanciation dans nos interactions personnelles et professionnelles ont accentué ce sentiment de solitude. 1/3 des personnes travaillant au moins trois jours par semaine chez elles se sentent « toujours ou souvent seules ». 1 télétravailleur(se) sur 2, soit (56%) dit faire l’expérience de la solitude « toujours ou parfois ».

Nous pourrions nous laisser à penser que ces chiffres tendraient à s’infléchir à la levée des restrictions… La réalité est plus complexe.
En décembre 2021, après levée des restrictions et vaccination de la majorité d’entre nous, 60% des français(e)s qui se sentaient a minima occasionnellement seul(e)s, ont trouvé « facile » de sortir de cet état. Notons que dans le même temps, 32% d’entre elles/eux ont du mal à y remédier.
Pour une majorité, il n’y a pas de retour à la « vie d’avant ». 67% des interrogé(e)s se rendent moins fréquemment à des concerts et 63% au cinéma. Ces restrictions ont un impact social. Les activités associatives sont réduites pour 58% des français(e)s.
La vie sentimentale des français(e)s aussi s’en retrouve impactée : 40% des sondé(e)s estiment ne pas avoir retrouvé une vie affective normale depuis la levée des restrictions. 1 célibataire sur 2 est touché(e) par ce sentiment (51%), contre 36% de personnes en couple. Ce sentiment est exacerbé chez les personnes ayant subi une rupture amoureuse (divorce ou séparation) et les malades diagnostiqués d’une maladie grave.
L’étude souligne que « les français(e)s faisant l’expérience de la solitude sont plus nombreux(ses) à se déclarer malheureux(ses)« . Notons que les personnes victimes de la solitude sont plus susceptibles de consommer des médicaments psychotropes. 1/4 d’entre elles/eux ont prit dans l’année écoulée des anxiolytiques, 22% des antidépresseurs contre respectivement 12% et 11% sur l’ensemble des Français
En Martinique, d’autres chiffres concourant ou consécutifs à la solitude interpellent
La population de notre département est, avec celle de la Guadeloupe, celle qui diminue le plus fortement au niveau national : -0,9% par an depuis 2013. Ce taux s’explique par des départs du territoire plus nombreux que les arrivées. Notons que les communes du nord de l’île sont les plus touchées par ce déclin démographique.

Une autre donnée interpelle : en 2020, il y a eu, en Martinique, moins de naissances (3 530) que de décès (3 586). Précisons que la hausse des décès sur notre île résulte principalement du vieillissement de la population. L’INSEE précise qu’en 2020, la pandémie de la Covid-19 n’a pas engendré de surmortalité sur le territoire.
Toujours selon l’INSEE, les personnes âgées de 75 ans et plus représentent 10,8 % de l’ensemble des habitants de la Martinique. Il s’agit des générations nombreuses du baby-boom, qui arrivent depuis quelques années à des âges élevés, où la mortalité est plus importante, l’espérance de vie (en hausse) des martiniquais étant de 78,6 ans et celui des martiniquaises de 84,6 ans.
Nous parlions de solitude. Je vous propose de vous pencher sur cette équation : ➡️ départs en hausse des actifs du territoire (sans retours systématiques) + natalité en baisse (consécutive) + vieillissement de la population = ???
🦩Ne serait-il pas temps que chacun(e) de nous s’interroge sur ce sentiment de solitude déjà ressenti ou, aux vues des statistiques… imminent ? 🦩Nous, quadras et quinquagénaires, vieilles et vieux de demain… Souhaitons-nous finir nos jours empreints d’un sentiment de solitude ? 🦩Ne devrions-nous pas tou(te)s nous sentir concerné(e)s et agir pour contribuer à infléchir ce tourbillon annoncé de solitude et ses effets ?
En février 2017, Monseigneur David Macaire, Archevêque de Saint-Pierre et Fort-de-France, attirait notre attention en ces termes « …la solitude, plus gourmande que prévu, n’attend plus la vieillesse ou la maladie pour nous affecter : les séparations, les divorces, les divisions familiales, une vie dissolue ou tout simplement une carrière bien remplie favorisent l’arrivée précoce du fléau dans notre existence… Et dire que notre monde croit aimer la vie ! »
Je conclus mon état des lieux avec une donnée supplémentaire : En 2019, en Guadeloupe et en Martinique, 1 habitant sur 6 soient 16% en Martinique (contre 1 sur 10 dans l’hexagone) présentait des symptômes de dépression. Comme au niveau national, les femmes sont plus touchées que les hommes, et les seniors sont particulièrement exposés. Près d’1 senior(e) sur 4 souffre de dépression aux Antilles (soit 22 % des hommes et 26 % des femmes), contre 1 sur 6 en France hexagonale. L’étude précise que les personnes nées aux Antilles françaises (natifs) sont plus souvent en situation de dépression que les personnes nées en France hexagonale (17 % contre 9,2 %).
Je pourrais décliner des dizaines d’autres études sociétales, sociologiques, psychologiques… brossant l’installation voire la montée de ce sentiment de solitude dans notre société. 🦩Mais est-il bien nécessaire que j’écrive une thèse de 500 pages sur un loup que nous savons et voyons nous guetter à chaque orée du bois…?
Selon le dictionnaire Le Robert, la solitude est la situation d’une personne qui est seule (de façon momentanée ou durable). Quelques synonymes mentionnés : isolement, abandon, délaissement, déréliction, désert.
🦩Je crois qu’il appartient donc à chacun(e) de nous de décider du temps que durera la nôtre… puisqu’elle semble inexorable… Certain(e)s d’entre nous ouvrent la voie. Mais, sans aller jusqu’à suivre cette dernière… écoutons-nous leurs voix ?
🌸 De mon côté, j’ai décidé d’oeuver pour faire grandir mon rêve d’une Martinique 100% « lyanné » ! 🌸
🌸Si cet article résonne en votre fort intérieur, que vous vous sentez seul(e), ne restez pas dans l’ombre. Ouvrez vos portes. Celles de vos maisons mais surtout celles de votre coeur. Parlez à des proches, des professionnels… C’est le premier battement d’ailes qui conduit vers l’envol. 🌸Si vous résidez à la Martinique, les liens joints à cet article vous amèneront quelques pistes d’interlocuteur(rice)s au grand coeur, qui souffleront un vent d’amour dans vos voiles. 🦩Surtout, souvenez-vous : Banbou pliyé pa ka kasé !
Pour aller plus loin, je vous partage quelques-unes de mes sources : https://www.ladepeche.fr/2022/01/23/19-de-la-population-est-touchee-par-la-solitude-10063567.php https://www.psychologies.com/Moi/Moi-et-les-autres/Solitude/Articles-et-Dossiers/6-habitudes-pour-lutter-contre-la-solitude https://www.vosgesmatin.fr/societe/2022/01/23/la-solitude-endemique-progresse-en-france https://martinique.catholique.fr/la-solitude-mortelle https://www.insee.fr/fr/statistiques/6012596 https://www.insee.fr/fr/statistiques/6007660 https://www.insee.fr/fr/statistiques/5762360